Notice de SOEUR Genevieve MAGHAMES

(1924 – 1989)

En 1924, ses parents, bons chrétiens, élèveront très bien leurs 4 enfants: 3 filles et un garçon. Elle va à l'école à la Miséricorde d'Alexandrie et c'est Sœur Ancette, Sœur Servante de la maison, qui la présente à la Communauté. Après quelques mois d'Aspirât à la Maison Provinciale de Beyrouth, elle fait son postulat à l'hôpital du Sacré Cœur et le 25 Janvier 1947 elle entre au Séminaire.

"Sérieuse, silencieuse, pieuse, vertueuse, un peu lente dans son travail qu'elle fait avec conscience", tel est le jugement de Sœur Douzon sur la nouvelle petite sœur: jugement auquel, 42 ans plus tard, à sa mort, il n'y aura rien à retrancher.

"Sérieuse", elle écoute avec attention les instructions de Sœur Directrice et il est à croire que certains conseils sont restés gravés pour toujours dans sa mémoire. Ne retrouvera-t-on pas dans sa vie l'écho de certaines phrases qu'elle dut entendre au Séminaire:

"Soyez recueillies, nos sœurs, sachez édifier. Que Dieu vous inculque l'amour du silence... Pauvre, vous ne devrez jamais vous plaindre de qui vous gêne… Obéissante, vous ne tiendrez plus à votre manière de voir… Sans humilité, nous ne faisons rien qui vaille... cette vertu attire sur nous les grâces et les bénédictions de Dieu."

Le 20 décembre de la même année, elle prend l'habit. Son premier placement l'envoie au Caire, à l'Asile Saint Louis, fondé en 1908 pour recueillir les enfants trouvés. Mais en 1944, un décret avait paru, interdisant formellement de recueillir de nouveaux enfants. Pendant quelques années encore, les sœurs gardèrent ceux avant cette date.

Sœur Geneviève (c'est son nom de communauté) va y rester un an, s'occupant de classe et d'ouvroir et en 1949, elle quitte le Caire pour Alexandrie. Elle est placée au dispensaire de la Miséricorde. Pendant 40 ans, le dispensaire va être son champ d'apostolat.

Toujours égale à elle-même, elle fait son travail avec conscience, calme et sérieux. Elle n'a pourtant aucun attrait pour les malades, mais Sœur Douzon n'a-t-elle pas dit: "Soyez heureuses et faites le travail de bon cœur."Chacune de ses sœurs servantes (et elles furent nombreuses pendant cette longue période) notera sa piété solide, son dévouement, sa bonté et sous la plume de chacune reviendra, comme un leitmotiv: "caractère conciliant, caractère paisible, permettant une collaboration facile, caractère pacifique qui s'entend avec toutes ses compagnes."

Quand Sœur Geneviève arrive à la Miséricorde, les sœurs y sont au nombre de 32. Au dispensaire, elle est au service de l'otorhino. Son principal travail est de soigner les oreilles, et soigner les oreilles dans un dispensaire égyptien n'est pas une petite affaire! Que de choses peuvent s'y loger: grain de riz, haricot quand ce ne sont pas quelques bestioles, bien capables d'entrer dans l'oreille d'un dormeur couché à même le sol; les cafards eux-mêmes ne sont pas exclus!

Toute la matinée, debout, Sœur Geneviève est à son poste. Plus de 50 oreilles, chaque jour, passent par ses mains soigneusement gantées de caoutchouc : c'est plus hygiénique et moins répugnant.

Pendant des années, elles seront quatre au dispensaire. Différents sont les cieux qui les ont vu naître ciel de l'Egypte et du Liban, ciel d'Italie et du Brésil, mais au-delà de leurs différences, elles travaillent unies comme les "quatre doigts de la main", si bien qu'un docteur dira un jour "Vous voulez savoir si les sœurs s'aiment entre elles, regarder les sœurs du dispensaire."

Dans la Communauté, Sœur Geneviève passe, silencieuse, très calme, très bonne. Il n'est pas rare non plus, dans ses premières années à la Miséricorde, de la trouver, au soir d'une de ses lourdes journées, assise dans la salle de bain (il n'y a pas à l'époque de lumière au dortoir), s'évertuant à écrire la langue grecque pour pouvoir correspondre avec certains membres de sa famille.

Mais au fil des années, sa santé, qualifiée de "très bonne", va connaître quelques fléchissements. Une sinusite chronique lui sera souvent cause de fatigue; des varices douloureuses rendront pénibles les longues heures passées debout. On parlera même de paratyphoïde, Ce qu'il y'a de certain, c'est que ce lui sera souvent occasion d'acceptation et de support. Une de ces années là, pour la fête de Chams el Nessim, une journée à Schutz est prévue. Sœur Geneviève est fatiguée. Qu'elle reste à la maison pour éviter les courants d'air qui ne peuvent qu'augmenter son malaise. C'est mal la connaître, elle part avec ses compagnes: "Je ne veux pas priver de ce plaisir la sœur qui s'offrirait pour rester avec moi."

"Vos compagnes, vos employés, les pauvres, il faut qu'ils comprennent tous combien vous les aimez en Dieu. Soyez toujours prêtes à les accueillir, à leur rendre service", disait Sœur Douzon. Sœur Geneviève a décidément bien retenu les leçons du Séminaire.

Lorsqu'en 1969, les sœurs abandonnent la Miséricorde dont les bâtiments sont devenus trop vétustes, le dispensaire est transféré à Saint Vincent et Sœur Geneviève est transférée avec lui. C'est son dernier changement. Le local a changé, mais l'œuvre et sa clientèle sont restées les mêmes à l'exception près que cette dernière a vu son importance augmenter d'année en année. La dernière statistique ne chiffrait-elle pas à 102 240 le nombre des malades soignés dans l'année.

Sœur Geneviève, elle, est toujours égale à elle-même. Tout le monde l'aime, ses compagnes, les employés, les malades, les docteurs. Ce que l'on aime en elle c'est la paix qu'elle respire, qu'elle répand autour d'elle et que jamais rien n'altère, même pas une vive altercation qui éclate entre deux employés dans la pièce voisine.

"Jamais, rapporte celle de ses compagnes qui partageait son office, on ne l'a vu brusquer un malade, un pauvre, une compagne et je ne me souviens pas de l'avoir jamais entendu dire un mot de "travers". Tout particulièrement attentionnée pour les vieillards, elle avait aussi, note une autre de ses compagnes, "le souci de faire arriver les pauvres à une véritable promotion. Elle en suivait certains pendant des années".

Et comment passer sous silence les soins attentifs et dévoués qu'elle prodigua à Sœur Louise sa compagne! Elle ne calculait ni son temps ni sa peine, toujours prête à lui rendre quelques services jusqu'au jour où Sœur Louise quitta Saint Vincent pour la maison des sœurs aînées premier départ.

Ces belles qualités avaient bien sûr leur revers et la lenteur de Sœur Geneviève, ses retards parfois aux exercices de la Communauté, provoquaient maintes taquineries. Que voulez-vous ? Sœur Geneviève n'aimait pas le travail fait à la va vite. Elle faisait bien ce qu'elle faisait et elle prenait son temps.

Pourtant, toute règle ayant ses exceptions, il y avait deux jours dans la semaine où jamais le moindre retard ne se glissait. Il s'agissait du lundi et du jeudi de chaque semaine de l'année. Ces jours là étaient consacrés à la "Haute Couture". Sœur Geneviève possédait en effet le diplôme de coupe de "Pigier", et avait un faible prononcé pour le métier de l'aiguille. Si on lui avait demandé de choisir, nul doute qu'elle eût de bon cœur abandonné la direction du dispensaire pour se consacrer à la promotion féminine. Aussi deux fois la semaine, c'est une quarantaine d'élèves, femmes et jeunes filles du quartier et de préférence les plus pauvres, qui l'attendaient dans la salle de coupe. De 3 H à 5 H, hiver comme été, Sœur Geneviève explique, montre, coupe, corrige et cela après la longue matinée fatigante du dispensaire. Il faut voir sa joie et sa fierté quand l'une de ces jeunes a réussi sa première robe!

Plus d'une fois, elle avait répété à l'une ou l'autre de ses compagnes: "Je désire mourir tout d'un coup, sans traîner... sans donner de mal à mes compagnes... c'est la plus belle mort !" Le Seigneur l'a exaucée.

Ses compagnes, elles, profondément secouées par son brusque départ, ont du mal à réaliser que Sœur Geneviève les a quittées pour toujours. Les Larmes coulent. Chacune réalise à ce moment combien elles lui étaient unies.

Ses funérailles furent un triomphe pour cette humble Fille de Monsieur Vincent, légère consolation pour sa famille ; son frère et sa femme et leur fils et surtout ses deux pauvres sœurs littéralement effondrées devant cette disparition soudaine et tellement imprévue. La chapelle était trop petite pour accueillir tous ceux venus apporter une marque de sympathie et dire un dernier adieu à notre sœur.

Et, unanimes, elles reconnaissaient que c'était justement son humilité, sa simplicité, son silence, sa grande discrétion, sa qualité d'écoute, qui avaient attiré à elle tous ceux qui se trouvaient dans la peine ou les difficultés. Ils recouraient à elle, et particulièrement les pauvres, en toute confiance et s'en retournaient consolés et encouragés.

Avant de la quitter écoutons encore ces quelques témoignages donnés spontanément par des docteurs qui l'ont bien connue.

"J'ai travaillé plus de 35 ans avec Sœur Geneviève, déclare le Directeur du Dispensaire. J'ai toujours admiré son calme, sa douceur, sa très grande bonté, son amour et sa délicatesse envers les pauvres!

Par son tact, sa délicatesse et sa douceur, elle apaisait les querelles et faisait régner la paix autour d'elle."

"Je ne l'ai jamais vu, reprendre avec colère quel- qu'un qui avait mal agi, ajoute un autre. Elle ne savait pas se fâcher."

Et un dernier de conclure : "Pendant 34 ans de travail en commun, je ne me rappelle pas qu'elle m'ait jamais dit un qui ait pu me faire de la peine."


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