Notice de Sœur Alice DUPONT FERRIER

25 Mai 1904 - 11 Juillet 1979

La Province du Proche-Orient a perdu le 11 Juillet 1979 sœur Dupont Ferrier, dont le souvenir restera gravé longtemps dans l'esprit des Sœurs qui l'ont connue.
Notre Mère Chiron avait résumé son œuvre en la remerciant du travail accompli durant ses années de "Visitatrice" dans la province du Proche Orient: "Vous avez été l'âme de la Province car les Sœurs sont unanimes à reconnaître le bien immense que vous leur avez fait par vos qualités surnaturelles ; ce qui montre que c'est cela le plus important."
Le père Le Goudt avait écrit de Jérusalem, à la nouvelle de son décès : "Je garde un merveilleux souvenir de la bonté lumineuse de l'effacement, de la piété de Sœur Dupont Ferrier. Que le Seigneur soit béni pour sa bonté et sa miséricorde !"
Alice Dupont Ferrier, née à Lyon d'une famille profondément chrétienne, était d'un caractère doux et réservé, se montrait vite attirée par la prière. Elle avait fait sa première Communion le 24 mai 1913, et reçu peu après le sacrement de Confirmation. Ces jours-là elle s'était senti appelée par le Seigneur pour lui consacrer sa vie. En 1920 après avoir obtenu le Brevet élémentaire, elle cherchait à savoir quelle communauté l'attirerait le plus mais son père lui recommanda de patienter en disant : "Je ne mettrai aucun obstacle à ton départ pour le couvent mais je te demande d'attendre tes 25 ans. D'une part tu connais à peine la vie, d'autre part tu peux avoir durant quelques années une heureuse influence sur tes frères et sœurs. Ils y sont très sensibles."
Alice décidait de continuer des études religieuses, et préparait avec succès le brevet élémentaire, puis le brevet supérieur d'instruction religieuse, auxquels elle ajoutait la préparation des diplômes de Croix Rouge. En même temps elle s'occupait de ses frères et sœurs, et en particulier de la dernière fillette qu'elle préparait à sa première Communion.
Pendant ses moments de liberté, elle rendait visite à la prieure du Carmel de Lyon. Puis, tout en préparant son diplôme de Croix Rouge, elle prenait contact avec les Filles de la Charité à l'hôpital Saint Joseph. La Supérieure l'impressionnait par son dévouement pour les miséreux, et, en même temps par une vie intérieure qui rayonnait d'une manière intense dans tous ses entretiens. Alice avait un attrait spécial pour tous les pauvres. Elle comprenait enfin qu'elle devait entrer chez les Filles de la Charité où elle trouverait la contemplation unie à l'action.

POSTULAT ET SEMINAIRE
Le 8 décembre 1929 Alice est entrée au postulat de l'Hay-les-Roses avec la bénédiction de ses parents.
Au Postulat, elle profite de ces 3 mois de préparation au maximum, et le 25 mars 1930, elle entre au Séminaire. 1930 c'est l'année du centenaire des apparitions de Marie à Sœur Catherine Labouré. La Communauté se prépare à célébrer cet anniversaire. La chapelle de la rue du Bac a été restaurée, on se prépare, en effet, à sa réouverture, après une fermeture de plusieurs mois. Sœur Dupont Ferrier va assister à toute une suite de fêtes qui vont s'échelonner le long de 11 années à la Maison Mère, rue du Bac.
Le 20 avril dans la chapelle remise à neuf, on chante l'Alléluia pascal. Le 27, un triduum commémore le 100ème anniversaire de la Translation des Reliques de Saint Vincent.
Le 1° mai, fête du Centenaire des apparitions à Sœur Catherine, Mgr Verdier archevêque de Paris bénit la belle statue de la Vierge Puissante d'André Real del Sarte. Le globe d'or, fait avec une partie des bijoux envoyés par les Filles de la Charité du monde entier, rayonne doucement entre les mains de Marie ...
La nuit du 18 au 19 juillet, par un privilège spécial une messe solennelle est célébrée dans la chapelle.
Enfin, le 27 Novembre, célébration du Centenaire de la Médaille Miraculeuse, nombreuse sont les cornettes qui viennent prier et assister aux offices. Sœur Dupont Ferrier jouit intensément de cette série de fêtes. Elle a une dévotion particulière à sœur Catherine Labouré. La Voyante de 1830 sera toujours sa sainte de prédilection, dans l'humilité et l'effacement. Elle veut profiter intensément de cette année d'initiation à la vie intérieure de ma sœur Chesnelong la ravissent, et elle est bien décidée à mettre en pratique les règles de vie si bien expliquées par Sœur Directrice.

ENVOI EN MISSION : CHAMPIONNET 1931- 1947
Mars 1931, c'est La prise d'habit, le départ en mission, à la maison de charité de la rue Championnet. On y a besoin d'une sœur de classe, et surtout d'une sœur qui sache visiter les pauvres du quartier, et leur apporter, avec des secours matériels, la bonté, la tendresse d'un cœur qui sait compatir et panser les blessures morales.

1940 La guerre de 1945: Le bombardement de la maison:
Durant les années de guerre l'école de la rue Championnet continue de fonctionner, jusqu'au jour où les bombardements deviennent si violents, dans le quartier que pas mal de maisons s'écroulent sous les bombes. C'est ce qui va arriver à la maison des Sœurs, en 1945.

1950 DIRECTRICE AU SEMINAIRE DE BEYROUTH.
Le Séminaire de Beyrouth n'a pas de Directrice, et le Conseil de Paris a songé à ma Sœur Dupont Ferrier. Mais Beyrouth c'est l'étranger. A-t-elle demandé de partir au moins? -certes non! Lors de son entrée en Communauté, en 1929, sa mère, très émue de la séparation, et pensant à sa belle-sœur religieuse du Sacré Cœur qui, ayant demandait les missions lointaines, avait été envoyée à Rio-de-Janeiro, et n'était jamais revenue en France, dit à Sœur Dupont Ferrier: Est- ce que tu partiras en Mission? -Non lui avait-elle' répondu, non je ne demanderai pas, mais si l'on m'envoie je partirai, parce que je ne pourrai pas refuser!

C'est donc un oui total qu'elle prononce à la proposition qui lui est faite d'aller comme Directrice du Séminaire à Beyrouth. Elle a la satisfaction en partant de passer par Rome, car c'est l'année sainte, elle gagnera son jubilé, et la voilà au Liban.
Elle arrivait avec appréhension. Comme l'écrivait une de ses compagnes d'Avranches: "On sentait si bien qu'elle ne s'était jamais crue importante! Quelle fut sa surprise quand elle fut nommée directrice du séminaire de Beyrouth! Il faut l'avoir vu pleurer, pour saisir quelle confiance elle dût faire au Seigneur pour accepte r de partir! Et cependant elle avait toutes.les qualités nécessaires pour conduire les jeunes Sœurs en ces années de formation. Elle se met à la tâche faisant confiance en Dieu, et durant dix ans accomplira parfaitement son office.

Ici laissons parler Monsieur Droitcourt. Ce qu'il dit de la Visitatrice, qu'il a connue, s'adapte parfaitement à la Directrice du Séminaire: Ma Sœur Dupont Ferrier m'a souvent fait penser à Sainte Louise de Marillac. Elle avait quelque chose du physique de la Sainte, apparemment fragile, mais en réalité résistant ...
Mais c'est par ses qualités spirituelles que ma Sr Dupont Ferrier rappelait surtout "Mademoiselle" (comme le père Rivals l'appelait pour la taquiner). Pour le spirituel elle avait la richesse de sa propre vie spirituelle. Elle pouvait parIer de l'abondance du cœur dans les entretiens avec les Sœurs en commun et en particulier. J'ai constaté souvent qu'elle obtenait des Sœurs beaucoup de générosité, grâce à ses motivations du plus haut niveau. On ne pouvait mettre en doute sa sincérité, ni sa propre générosité, son amour de Dieu et de sa vocation."

1960: Visitatrice de la Province
1960, Sœur Lavallée va quitter Beyrouth. La Communauté a besoin d'elle ailleurs. Il faut une Visitatrice à la Province du Proche-Orient, et le Conseil Général de Paris a fait choix de ma Sœur Dupont Ferrier.
Si elle a pleuré en se voyant chargée du Séminaire 10 ans plus tôt, elle est effondrée à cette nouvelle. Mais elle qui a prêché à ses petits bonnets l'obéissance aux désirs des Supérieurs, va accepter avec soumission 1a lourde charge qui lui est confiée" et qu'elle mènera à bien jusqu'en 1972.
Ici encore Monsieur Droitcourt nous expose les qualités remarquables de la nouvelle élue.
"Elle eut à affronter bien des affaires temporelles, et des plus considérables, pour lesquelles elle n'était guère préparée. Les rencontres d'avocats, d'hommes d'affaires, lui coûtaient beaucoup. Là elle n'était plus dans son élément. L'habileté, les pièges étaient si loin de son esprit qu'elle ne les soupçonnait pas facilement. Avec l'aide de Dieu, qu'elle invoquait sans doute beaucoup plus que toutes les personnes concernées ensemble, elle ne s'en tira pas trop mal. Après coup il est toujours facile de dire: 'On aurait pu faire ceci ou cela". Si ma Sœur Dupont Ferrier fut maintenue pour un second sexennat, c'était la meilleure preuve que, par elle, la Province était bien gouvernée.
Elle m'a beaucoup édifié par son esprit de foi et par un amour des pauvres qui souffrait de ne pouvoir se donner directement plus souvent. Quoiqu’effacée et plutôt timide, elle fut une animatrice pour la Province, et cela au sens le plus profond, car il fut d'ordre spirituel, lequel commande tous les autres quand il s'agit d'une mission comme celle des Filles de la Charité.
Elle fut fidèle à faire les nombreux et souvent longs voyages de son programme. Dieu sait dans quelles conditions parfois, surtout dans l'Iran, et dans l'Egypte des années 60.
Une sœur qui a vécu près d'elle à cette époque décrit ainsi les rapports, qu'elle entretenait avec celles qui l’approchaient :
"Je revenais d'Egypte complètement déprimée. Ma santé délabrée s'ajoutait à d'autres misères, j'étais prête à faire les pires sottises. Dieu, dans sa bonté, mit sur mon chemin un Ange gardien en la personne de ma Sœur Dupont Ferrier. Placée à la Maison Provinciale, j'étais plus ou moins en contact avec elle. Elle comprit très vite. Mon état d'âme sans même que je lui en parle. Sa physionomie rayonnante de bonté, son sourire, les prières qu'elle adressait à Dieu à mon intention, tout cela fit une telle impression sur moi, que peu à peu tout rentra dans l'ordre."
Lorsque ma Sœur Dupont Ferrier devint Visitatrice combien de Sœurs auraient pu joindre un témoignage identique à celui-ci!
Que de larmes elle a séchées! Que de courages abattus elle a relevés, combien de vocations chancelantes sous le coup de l'épreuve elle a conservées et affermies!...
Les familles des Sœurs avaient une grande part à ses prières.
Quelqu'un était-il malade, le Séminaire en était informé et mis en prière. Les peines et les soucis des Sœurs ne la laissaient jamais insensible. "

1972 - A JERUSALEM: HOSPICE SAINT VINCENT
Le second sexennat s'achève. Sœur Dupont Ferrier va quitter la Maison Provinciale de Beyrouth, et même le Liban ... 1a Maison Saint Vincent de Jérusalem attend une Sœur Servante: elle va prendre la direction de cet hospice, à la joie de toutes les Sœurs qui retrouvent en elle l'exemple vivant de la vraie Fille de la Charité. Quant à elle, elle a le bonheur de vivre près des Lieux-Saints, et surtout au milieu "des plus pauvres d'entre les pauvres"! Car l'hospice depuis sa fondation, est toujours ouvert à toutes les infirmités, à toutes les misères...
Elle va y passer 6 ans, semant la joie autour d'elle. Les Sœurs qui vont à Béthanie faire leur retraite annuelle, sont reçues à l'Hospice de Jérusalem, où elle s'ingénie à leur procurer le plus de facilités pour faire leur pèlerinage aux Lieux-Saints.
Mais la santé de la chère Sœur Servante décline. Les médecins consultés pensent à une intervention chirurgicale. Il est préférable d'envisager un retour au Liban.

1978: A SAINT-CHARLES
En août 1978 elle avertit sa Sœur de Lyon qu'elle va retourner à Beyrouth et sera placée à la maison d'enfants de Saint-Charles. Elle attend seulement que sa remplaçante arrive à Jérusalem. Les papiers de séjour sont toujours longs à faire.
Fin 1978. L'Assemblée Provinciale a lieu à la Maison Centrale à Achrafieh. Ma Sœur Dupont Ferrier doit en faire partie. La voici donc installées à Saint-Charles, adieu à la ville sainte de Jérusalem!
L'Assemblée commence. Tout le monde est frappé par le changement qui se lit sur le visage de la malade. Mais elle prend part aux divers travaux, et ne manifeste aucune lassitude, et travaille avec autant d'activité qu'autrefois, se réjouissant de retrouver là toutes les Sœurs qu'elle a si bien suivies pendant les années écoulées.
Hélas, quelques semaines après la fin de l'Assemblée elle doit être hospitalisée à l'Hôpital du Sacré Cœur pour y subir une opération.
Quand elle revient à la maison tout le monde espère qu'après quelques semaines de repos elle pourra se remettre. Mais elle ne se fait pas d'illusions.. Le R. Père Varillon S.J. qui est allé la voir à cette époque écrit à sa Sœur de Lyon qu'il connaît bien: "Qu'il me soit permis de vous dire qu'elle sait parfaitement ce qu'elle a, et qu'elle a un courage admirable. A peine ai-je pu déceler un ou deux sanglots au cours de notre conversation qui a eu trait évidemment à.son état, à sa Congrégation, à vous-même et à l'éternité."
Cette lucidité, ce courage ressort encore dans la lettre qu'elle écrit de son côté à sa sœur, le 1er juillet suivant, ou plutôt qu'elle dicte, car elle ne peut plus écrire:
"Ma chère Madeleine, "J'ai achevé ma course". Ce passage d'une lettre de Saint Paul, je le fais mien. Et cela sans tristesse. Je dois vivre dans l'action de grâce! J'ai été heureuse dans ma famille, tu le sais, durant vingt- cinq ans. Heureuse aussi dans ma famille spirituelle et la Communauté des Filles de la Charité.
Certes, comme dans toute vie chrétienne, j'ai eu ma part de souffrances, mais alors je pouvais dire, toujours avec Saint Paul: "Je surabonde de joie au milieu de mes tribulations."
Ma Communauté m'a beaucoup apporté. J'ai pu réaliser ce que je désirais : Me consacrer à Dieu pour les pauvres! Car là j'ai vrai- ment connu, aimé le Christ auquel je me suis consacrée. Chaque fois que tu en as l'occasion, dis du bien de la Communauté, et prie pour qu'il y ait de ferventes et nombreuses vocations.
Jusqu'à ce jour Dieu m'a gardé, comme je l'ai souvent demandé: "ma tête et mon cœur ". C'est donc en pleine lucidité que je dicte ceci à ma fidèle secrétaire.
Le 11 juillet suivant le Seigneur la rappelait à Lui, en pleine lucidité, comme elle le disait, dans la sérénité dont parlait le Père Varillon.
Avant de mourir elle avait écrit son testament spirituel. Paru dans "Charité Orient", il devait atteindre ainsi toutes les Sœurs de la Province: Celles qu'elle avait formées durant ses années de Directrice du Séminaire, et celles qu'elle avait dirigées, étant Visitatrice de la Province. Le voici:

Mai 1979
"A toutes nos Sœurs de la chère Province du Proche-Orient, et surtout à celles avec lesquelles j'ai plus vécu: Les Sœurs du Séminaire et leurs Sœurs d'Office; mes compagnes de la Maison Provinciale et de l'Hospice Saint Vincent.
Et d'abord, pardon pour les peines que j'ai pu vous faire dans l'exercice de l'autorité, vous parlant souvent avec suffisance et impatience.
Merci à toutes, spécialement à mes Conseillères, aux Sœurs Servantes en qui j'ai trouvé de parfaites Collaboratrices, merci au Conseil Provincial qui a donné les directives voulues pour que je puisse finir ma vie missionnaire où je l'ai commencée.
Un merci très spécial à ma Sœur Kandalaft et à ses compagnes de Saint Charles, ainsi qu'aux Sœurs du Sacré Cœur qui ont su, avec tant de délicatesse me soigner et m'entourer, adoucissant ainsi l'épreuve de santé que le Seigneur a permis pour terminer ma vie.
Enfin je vous fais une recommandation: Soyez toujours de vraies Filles de la Charité, et pour cela ayez toujours devant les yeux le bel idéal tracé par Saint Vincent et Sainte Louise, et travaillez toujours à le réaliser. Il n'y a rien de plus simple et de plus beau et encore de plus évangélique.
Adieu, je vous ai beaucoup aimées et je continuerai à le faire auprès de Celui qui nous a appelées et rassemblées pour servir le Christ dans ses membres les Pauvres "
De nombreuses Sœurs vinrent à son enterrement, toutes très affectées par cette disparition.
A sa sœur Madeleine, un des assistants écrivait:
"Il va sans dire que je suis de cœur, de pensée et de prière avec vous et surtout avec le "Magnificat" qui s'impose pour une telle vie."


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