Notice de Soeur Anne-Marie de LAVALLEE

(1892 - 1980)

Sœur Anne-Marie de Lavallée est née en 1892 à Nantes, d'une famille profondément chrétienne, d'ascendance illustre, car elle s'apparentait d'une part à la famille de Jeanne d'Arc par le père: Henri de LAVALLEE de la GILARDERIE, et par la mère: Henriette de MEEUS, d'origine belge, apparentée à la famille royale de Belgique et dont les aïeux remontaient à Charles-QUINT. Sœur Lavallée n'en parlait jamais d'ailleurs, car sa discrétion à ce sujet était très grande.

Aînée de cinq enfants: Il y a 2 filles et 3 garçons : Anne-Marie 1892 - Gaétane 1894 - Henry 1899 - Emmanuel 1897 - Ghislain, sa petite enfance se passa à Paris et à "La Questraie, près d'Ancenis", propriété de la famille.
De cette époque Sœur Lavallée ne parlait guère, sauf d'un évènement qui peut nous paraître une manifeste protection divine: Monsieur de Lavallée était ingénieur des Mines, et son travail l'amenait souvent en Espagne, où il demeurait assez longtemps. Son retour au logis était une fête pour les enfants! Or le 4 mai 1897, une kermesse avait été organisée par la Société parisienne. Comme d'habitude elle avait lieu dans un local aménagé à la rue Pierre Charon, au "Bazar de la Charité". La mère d'Anne-Marie et la fillette étaient à leur stand depuis le matin, mais comme Monsieur de Lavallée devait arriver d'Espagne à 5 heures, sa femme et sa fille partirent vers 3 heures· pour aller le recevoir. A 6 heures un incendie se déclare tout à coup à un étalage du "Bazar". Tout le 'Paris' d'alors se pressait dans l'enfilade des pièces. La foule saisie de panique n'arrivait pas à se diriger vers l'unique sortie. On se bousculait aux portes étroites" et le feu gagnait de proche en proche. Trois Filles de la Charité, qui aidaient les gens à sortir se trouvèrent coincées au milieu des flammes et ne purent se dégager. Il y eût 136 morts et plus de 200 blessés… Le Seigneur avait trouvé bon d'écarter Anne-Marie de l'épouvantable désastre. Il la gardait pour son service. La mère d'Anne-Marie était assez souvent malade, aussi à la mort de Mr de Lavallée, provoquée accidentellement des suites d'une chute de 32 mètres dans une mine, Anne-Marie, et Sœur Gaêtane ainsi que ses deux frères, furent-ils confiés à leurs tantes Emma et Marthe DENARIE pour de longs séjours, soit à la maison de famille à la Questraie, près d'Ancenis, soit à Chambéry où le Docteur Denarié était établi avant sa mort. Leur tante Marthe demeurait veuve, avec deux enfants qui s'entendaient parfaitement avec les Lavallée. La joyeuse bande s'en donnait à cœur joie, formant un groupe uni que Sœur Lavallée évoquait avec plaisir. Mais il fallait songer à l'instruction des enfants. Au Couvent de la Visitation de Chambéry, une religieuse, tante des fillettes voulut bien se charger d'élever Anne-Marie et sa sœur Gaëtane. A 8 ans c'est un peu dur de se trouver enfermée; même si l'une des religieuses est votre tante! Il faut se plier au régime des pensionnaires jupe longue, cheveux enfermés dans une résille, etc. Heureusement Anne-Marie aime l'étude, et bientôt profite au maximum de tout ce qui lui est offert pour développer ses aptitude.

L'une des religieuses fera sur elle une profonde impression: Sœur Marie-Marthe Chambon, qui travaillait à 1 a cuisine, était une mystique. Elle avait parfois des visions, et parlait du Seigneur avec une telle profondeur que la fillette en restera impressionnée pour toujours. Et elle se réjouira plus tard d'apprendre l'ouverture du procès d'information sur les révélations de la "Servante de Dieu: "Marthe Chambon", dont elle parlera souvent.

En France c'est l'époque des laïcisations, et l'exil pour les Religieuses. D'abord la jeune fille suivra ses chères maitresses en Italie, mais elle n'arrive pas à s'adapter à sa nouvelle vie. Il vaut mieux aller quelques mois en Angleterre pour perfectionner l'anglais. De là elle retournera à Chambéry, chez ses tantes Dénarié.

La grande guerre approche. Que va faire Anne-Marie? Elle a l'intention de se donner à Dieu, mais comment? Un quartier de Chambéry où s'entassaient de pauvres familles l'attire. Les enfants de ce quartier ne sont guère instruits en catéchisme, elle va s'en occuper. Mais surtout elle va entrer en contact avec l'œuvre fondée par le père Costa de Beauregard au "Bocage" où sont élevés de petits orphelins. La Sœur du père Costa, Fille de la Charité, dirige depuis de longues années l'orphelinat de filles installé dans le château des "Marches", donné à la Communauté par la famille de Beauregard. Une cousine des Lavallée est une compagne de ma Sœur Costa. Anne-Marie est conquise par l'œuvre quand elle va rendre visite à Sœur Marthe, et même vient l'aider. Elle admire surtout le dévouement de Sœur Costa.

En 1903, M. de LAVALLEE est malade, sa femme le soigne pendant un an, puis très fatiguée elle-même - elle part se reposer en BELGIQUE en 1904 et y meurt peu de temps après.
Les enfants sont officiellement dispersés: Les deux filles partent chez leur tante Marthe qui a épousé en 1901 le Docteur Dénarié, à Chambery. Cette tante n'était pas veuve à l'époque. Henri et Emmanuel sont internes au collège d'Evreux. Ghislain, qui n'a que 5 ans, est confié à Esther de MEUS à Paris.
Tous les enfants se retrouvent en vacances à CHERBOURG en 1906. Puis les quatre aînés vont rejoindre, dans le Midi, leur père qui s'est remarié avec la gouvernante des enfants.

En 1909, Emmanuel meurt de la fièvre typhoïde et M. de LAVALLEE le rejoint la même année. En 1915, Henry qui s'était engagé dans l'Armée à 16 ans, est tué à son arrivée au front.
Enfin, Sœur Marthe DENARIE n'était pas la cousine de Sœur lAVALLEE mais la belle sœur de la tante Marthe.

La jeune fille s'engage dans les ambulances pour soigner les soldats blessés… En 1916 son frère Henri, parti à 16 ans comme engagé volontaire, est envoyé au front, il y est tué. Elle en ressentira un choc qui ne fera que la confirmer dans son désir de se consacrer au Seigneur au service des pauvres.

Elle apprend qu'à Chambéry Sr Costa a offert les "Marches" aux ambulances. Elle va donc rejoindre la Savoie, et se présente à Sœur Costa pour se mettre à sa disposition. Las petites orphelines sont toujours dans une aile du château, et l'on a besoin d'une maîtresse dévouée pour tout ce petit troupeau. Jusqu'à la fin de la guerre, au côté de Sr Marthe Dénarié elle accomplira sa tâche avec le plus grand dévouement.

1919. Postulat et Séminaire:

Enfin la guerre se termine. A la cessation des hostilités, Anne-Marie exprime son désir à sa cousine qui a remplacé Sr Costa à la tête de la maison, et Sœur Dénarié fait parvenir sa demande à la Communauté. Cette fois la réponse ne tarde pas à venir. La Maison-Mère a rouvert ses portes au Séminaire revenu de Montolieu. Après 3'mois de Postulat a l'hôpital d'Avignon, elle entre au Séminaire le 19 juillet 1919. Ha Sœur Lavallée est au comble de ses vœux au 140 de la rue du Bac!

1920. CHAMBERY. LE BOCAGE:

Après sa prise d'habit elle est envoyée dans la chère maison de Chambéry. Elle retrouve au Bocage les petits Orphelins du père Costa de Beauregard. La voilà chargée d'une classe, tout en surveillant la cuisine, sans oublier les courses en ville pour acheter le nécessaire en victuailles. Vraiment les heures passent très vite dans un emploi du temps si chargé. Ses chers petits sont, à ses yeux, la part essentielle de ses préoccupations, et longtemps, même après son départ du "Bocage" elle les suivra par ses prières. Quelle joie lorsque l'un d'entre eux manifestera une vocation sacerdotale!

Jusqu'à la fin de sa vie elle restera en relations épistolaires avec certains d'entre eux. A l'annonce de sa mort le chanoine Dubouchet, Directeur actuel de la maison, écrit: Je l'ai connue durant son court séjour à l'Orphelinat du Bocage. Depuis son départ à l'étranger, après ses vœux, nous sommes restés presque toujours en relations. Elle était restée très attachée à notre maison où elle avait fait la classe à nos petits orphelins, parmi lesquels deux devinrent prêtres, tous deux encore vivants se souviennent bien de leur institutrice.

Alors qu'elle était déjà au Liban le journal du "Bocage" du 30 septembre relatait l'envoi suivant: Sœur Anne Marie vous envoie de Syrie un paquet destiné au prochain prêtre sorti de l 'Orphelinat. Le paquet contenait: un amict, un manuterge et un purificatoire, dont Sœur Claire fit remarquer le travail très artistique."

Les quatre années de préparation aux Saints Vœux vont s'écouler avec rapidité. Mais elle est à rude école avec la Sœur Servante du Bocage qui est d'une grande austérité, et qui tient à former ses jeunes compagnes à son exemple. La maison reste sous un régime rigide… A table jamais de "benedicamus"! Les jours de fête comme les autres. Pour des jeunes d'une activité débordante, c'est dur! Et pourquoi?... En 1914 le Supérieur Général avait demandé aux Filles de la Charité d'unir leurs prières pour la cessation de la guerre, et leur avait suggéré de faire le sacrifice des "benedicamus" les jours de fête. Les hostilités terminées, la joie est revenue et normalement la suggestion du père Général était périmée. Elle ne l'était pas aux yeux de la Sr Servante du Bocage, cela' faisait soupirer les Sœurs qui cependant n'osaient rien dire durant les repas de fête pris au son monocorde de la voix de la lectrice.

Sœur Anne-Marie a parfois du mal à se plier à cette austérité. Tel ce jour où, sortant en promenade avec ses enfants, elle voit dans une papeterie du papier à lettres qui lui plaît. Elle en achète
En rentrant à la maison elle montre son acquisition à sa Sœur Servante. "-Et avec quelle permission?" lui demande celle-ci. Hélas! La jeune Sœur n'y a pas pensé!
-Eh bien! Ma bonne, retournez chez le marchand et qu'il reprenne son papier".
Il fallut obéir, et toute rougissante demander que l'on reprenne le beau papier à lettres et qu'on lui rende l'argent!

1924 Premiers VŒUX et DEPART en MISSION

1924 C'est l'année de ses premiers vœux. Elle s'est préparée avec ardeur. Sa nature vive à du mal parfois à se plier, nous l'avons vu, mais sa volonté arrive à vaincre la nature, et le Seigneur reste le grand vainqueur.

Elle est heureuse à Chambéry, mais elle a rêvé d'un don plus total: partir au loin; s'en aller "missionnaire en Chine, au Japon ou ailleurs, chez les païens… Elle en fait part aux supérieurs durant la retraite à Paris. Elle est prise au mot. Elle partira non pas chez les païens, mais dans un beau pays au-delà de la Méditerranée. Peu de temps après ses Vœux, on a besoin d'une Sœur au Liban et c'est elle qui est désignée, pour rejoindre Beyrouth.

A cette époque le Liban paraissait fort éloigné de la France. Pour s'y rendre l'avion n'existai t pas encore pour les voyageurs ordinaires. Ma Sœur Lavallée quitte Chambéry, d'où tant de souvenirs d'enfance et de jeunesse resteront à jamais gravés dans son esprit et dans son cœur, et elle s'éloigne de son pays, peut-être pour toujours, pense-telle en montant dans le bateau. qui va l'emmener.

Ma Sœur Méglin, la Visitatrice, reçoit la jeune Sœur à son arrivée à Beyrouth. Depuis plus de 3/4 de siècle les écoles des Filles de la Charité se sont multipliées sur le sol libanais, et, à TripoIi l'école de la Marine a besoin de renfort. Sa nouvelle Sœur Servante est venue la chercher, et toutes deux partent pour le Liban-Nord. Sœur Anne-Marie, le long du chemin, en a.uto, admire la mer que suit la route, tandis qu'à droite les chaînes de montagnes se succèdent sans arrêt. Le pays l'enchante, mai s elle se demande si sa nouvelle Sœur Servante, ma Sœur Montagné, va la comprendre, et son cœur se serre un peu en pensant à Sœur Marthe qu'elle a laissée aux "Marches", et chez qui elle allait se dégonfler lorsqu'une difficulté surgissait!

A la MARINE:

Voilà 15 jours que Sœur Anne-Marie est à la Marine. Mais qui voit sa figure fermée, ses yeux rouges, (car elle a le don des larmes) comprend que rien ne va: Pas de classe à faire, car on est en période de vacances, quelques ménages, il n'yen a pas beaucoup, surtout que chaque Sœur a déjà sa portion de travail et la nouvelle sœur ne sait pas exactement quel balai, quel torchon elle peut prendre, chacune la renvoyant de tel ou tel endroit en lui disant d'un ton péremptoire: "ça, c'est mon office!" Tout cela ne remplit pas une journée! Où sont les travaux multiples du "Bocage?" Les chers petits en classe? La cuisine à diriger? Les courses aux magasins pour les provisions? -"Ici on n'a pas besoin d'une Sœur en plus! Celles qui étaient là avant moi suffisent amplement" pense-t-elle. Et sa nature reprenant le dessus, la jeune Sœur, ses paquets sous le bras, dit au revoir à Sœur Montagné interloquée, et reprend toute seule le chemin de Beyrouth, pour aller dire à Monsieur Heudre le Visiteur et Directeur des Filles de la Charité de la Province: "Ce n'est pas la peine de venir de si loin pour avoir si peu de travail à faire et pas d'office! Au tant repartir au "Bocage"…

Nous n'avons pas besoin d'explication supplémentaire pour savoir ce qui fut dit à la jeune indépendante.
Ma Sœur Méglin et Monsieur Heudre, (qui, entre parenthèse con- naissaient ma Sœur Montagné!) eurent la sagesse de comprendre la situation et de chercher où l'on pourrait placer avec fruit, la pauvre Sœur Anne-Marie, et qu'il valait mieux la laisser aux environs de Beyrouth.

A La QUARANTAINE - L'ECOLE DE L'IMMACULEE:

L'école Saint-Michel, dans les faubourgs de la capitale était promise à un développement rapide, elle allait quitter la "Quarantaine" pour devenir à l’Immaculée". Ma Sœur Cornillon accueillit maternellement sa jeune compagne, la réconforta, la remit d'aplomb. Elle-même allait être appelée à Paris comme Econome Générale. Mais remplacée d'abord par Sœur Dapsence, puis par ma Sœur Rouquette, son départ ne fut pas une nouvelle catastrophe pour ma Sr Lavallée, qui très vite s'était intégrée dans la maison, une maison fort pauvre à ce moment là, telle que le souhaitait la jeune sœur! Mais qui s'ouvrait à toutes les misères du quartier.

A Beyrouth Immaculée, elle avait reçu:
- les Palmes académiques.
- elle a reçu l'insigne d'Officier de la Légion d'Honneur, en 1953.

Sœur Lavallée restera une dizaine d'années à "l'Immaculée". Les meilleurs souvenirs de cette période de sa vie, qu'elle évoquait avec plaisir, étaient les réunions des jeunes sœurs de classe, le jeudi matin à la Maison Centrale. Ce jour-là, ma Sr Joliot, Assistante de la Province et Responsable de toutes les écoles, donnait des cours de pédagogie aux Sœurs enseignantes, afin de les aider à bien faire leur classe. Lorsque l'Egypte aura besoin d'une Sœur Servante de valeur pour l'Ecole de Helmieh qui traversait une période pénible, Sœur Georges remplacera Sr Joliot comme Assistante et continuera la formation des Sœurs à la pédagogie moderne. Les réunions donc vont continuer sans interruption et avec les mêmes fruits. Sr Anne-Marie est ravie de retrouver Sr Georges qu'elle avait connue à Chambéry. Avec elle, elle pourra évoquer le bon vieux temps.

Une part importante qui incombe aux sœurs de classe est la mise en valeur de la catéchèse d'une part et l'entraînement des jeunes au groupe des Enfants de Marie d'autre part. Sr Anne-Marie met tout son cœur de missionnaire à bien remplir sa tâche de formatrice et d'entraîneuse. Quand elle sera au repos à Beyrouth, ces derniers temps, certaines de ses anciennes venaient encore la voir pour évoquer avec attendrissement ses réunions d'autrefois!

Elle eut la joie de préparer ses filles au Congrès d'Enfants de Marie organisé en 1934. En effet, en Avril, cette année-là, une série de fêtes étaient destinées à célébrer dignement d'abord le tricentenaire de la fondation de la Compagnie des Filles de la Charité la Canonisation de Sainte Louise de Marillac, et la béatification de Sœur Catherine Labouré. Pour donner plus d'éclat à ces fêtes, le Congrès des Enfants de Marie amènerait plus de 1 500 participantes aux diverses cérémonies. Le tout fut magnifique dans sa réalisation, et laissa un merveilleux souvenir dans l'esprit et l'âme des jeunes filles, venues en grand nombre de tous les points de la Province.

1935. TRIPOLI

Les retraites d'été, durant les vacances, sont vraiment fatigantes à Beyrouth. On inaugure alors les déplacements en campagne ou " même à la montagne. Monsieur Sarloutte propose le collège d'Antoura vide de ses élèves. Sr Anne-Marie va faire une de ces premières retraites, sans se douter qu'elle va avoir son changement.

La maison de Tripoli vient de perdre sa Sr Servante, Sœur Eymard, et le Conseil songe à ma Sr Lavallée. A la fin de la retraite ma Sœur Petit (nouvelle visitatrice remplaçant ma Sœur Méglin) lui annonce qu'un lourd fardeau va s'appesantir sur ses épaules. Non! ce n'en sera pas la Marine, il n’en est pas question, mais de la grande Miséricorde, qui s'adjoindra bientôt La Marine, comme dépendance… Très peinée de quitter l'Immaculée où elle a si bien travaillé, elle part vers le Nord. Ses larmes coulent malgré elle. Mais en fille d'obéissance elle rejoint son nouvel office, le 13 septembre veille de l'exaltation de la sainte Croix.

La Miséricorde de Tripoli comprend: l'école payante, l'école gratuite, l'internat, 90 orphelines, le dispensaire, auxquels se joignent la visite des pauvres, un fourneau économique (lequel nourrira en 1936 plus de 200 personnes par jour), deux autres écoles en dehors du groupe du centre-ville: Kobbé et la Marine, où deux Sœurs se rendent tous les jours.

Sœur Lavallée prend en main toutes ces œuvres. Elle encouragera en 1937 le commencement d'un dispensaire dans les villages, où une Sœur ira une fois par semaine, à quelques distances de la ville, dans un rayon de 35 km environ ...
A TRIPOLI, Sœur LAVALLEE a reçu :
- la Croix de Chevalier de la légion d'Honneur,
- la Médaille d'Or du Mérite libanais.

1939. La 2° GUERRE MONDIALE

En 1939 La deuxième guerre mondiale éclate; les troupes françaises au Liban attendent les évènements. Les soldats cantonnés en ville doivent avoir un lieu où ils seront tranquilles, un lieu où ils pourront se reposer et se détendre. Il est urgent aussi de les recevoir au dispensaire, et surtout pour les soldats chrétiens à la chapelle. Sr Lavallée va ouvrir largement les portes de la Miséricorde pour offrir un foyer à ces soldats, et le dispensaire, mais surtout la chapelle. A partir de ce moment, et cela jusqu'à la fin de la guerre, ils pourront venir soit à la salle de fêtes de la maison, soit à la Marine où des foyers leur sont ouverts. Dans la chapelle auront lieu de beaux offices que de messes militaires, de communions et même de baptêmes se succèderont. Le Seigneur seul les a comptés!.

1940. Les hostilités reprennent une tournure menaçante: L'Italie vient de rentrer en guerre, aux côtés de l'Allemagne. Sœur Lavallée revoit ses années de jeunesse, et les blessés des ambulances en 1914. Mais ici il ne s'agit pas de blessés de guerre, mais de possibilité de bombardements sur la région. Rhodes est tout près, et les avions commencent à sillonner le ciel. Elle va mettre ses petites orphelines à l'abri, et envoie une trentaine d'enfants avec deux sœurs à Ehden, où l'on va louer une vieille masure qui leur permettra de passer l'été loin des alertes et des bombes qui se succèdent sur la côte. Heureusement le calme revient avec la fin de septembre. Les enfants peuvent revenir au bercail, -elles y ont gagné un été à la fraîcheur. Plus tard on y repensera…

Pendant plus d'un an la région se trouve loin des combats. C'est l'Egypte qui reçoit les bombes italiennes, durant l'avance des armées de Rommel en Libye.

En 1942 cette avance est arrêtée. Les troupes de la France libre se sont jointes aux forces anglaises, et maintenant elle essaye d'entrer au Liban. De grands combats éclatent au sud du pays entre les partisans de De Gaulle et ceux du gouvernement de Vichy. Ces combats font des morts et des blessés, ceux-ci sont évacués vers Tripoli. L'hôpital italien vide de ses médecins et des sœurs italiennes a été réquisitionné par les armées françaises. On demande des infirmières pour soigner les soldats. Sœur Lavallée envoie immédiatement des Sœurs, qui vont rester sur place tant qu'on aura besoin d'elles.

A la fin de la guerre des troubles éclatent en Syrie. Or à Lattaquié les Pères Olivétains avaient acquis une très grande propriété, où ils avaient installé une école d'agriculture et d'élevage, destinée à former des jeunes gens pauvres aux méthodes modernes d'élevage et de culture de terres. Ils y avaient obtenu des races splendides de moutons mérinos, de poules, de lapins magnifiques. Leur ferme fournissait à la région des œufs, du lait, du beurre, du fromage, et ces produits si renommés se vendaient jusqu'à Beyrouth… Leurs camionnettes allant chez "Massaoud" porter leurs marchandises, passaient par Tripoli et ne manquaient pas de s'arrêter chez Sœur Lavallée qui les recevait avec son amabilité coutumière… Or avec les troubles de Syrie les choses vont se gâter! Les Pères Olivétains sont chassés de chez eux, leur propriété confisquée, et ils sont obligés de fuir, abandonnant toute leur installation.

Où aller? Il n'y a qu'un endroit où ils seront reçus: c'est chez les Filles de la Charité. Les Pères, et quelques enfants sans famille arrivent un beau soir à Tripoli, partis le matin même en camionnette de Lattaquié. Sœur Lavallée leur ouvre toute grande ses portes Le père Prieur sera accueilli par les Pères Lazaristes, et la Marine sera mise à leur disposition: Pères et enfants, ainsi que les moutons mérinos qu'ils ont réussi à emporter.

A la Marine Les Pères pourront attendre le temps nécessaire pour s'organiser. Tous les matins, durant deux ans, les repas préparés à la Miséricorde seront envoyés pour la journée… Lorsque les Français partiront ils cèderont leur caserne de Kobbé aux Olivétains. Là ceux-ci pourront reprendre une école technique, bien modeste à côté de l'ancienne! Mais qui leur permettra de se dévouer encore aux pauvres jeunes gens des environs.

Ainsi durant toutes ces années la maison de Tripoli sera ouverte aux misères multiples qu'une guerre entraîne avec elle. Jamais ma Sœur Lavallée ne refusera un secours de quelque manière que ce soit! Et elle entraînera ses Sœurs à cette disponibilité de tous les instants telle que Saint Vincent et Sainte Louise le désiraient de leurs Filles…

1945 Le calme est revenu. Les écoles ont continué à prospérer, et de nouveaux soucis préoccupent la So eun Servante: Il faut faire de grosses réparations. Les bâtiments en ont un besoin urgent. De plus le nombre d'élèves ayant considérablement augmenté, il faut songer à élever un étage et à élargir les cours devenues trop exiguës pour tout ce monde! Sr Lavallée va s'employer à faire le nécessaire, et bientôt l'école est agrandie et rajeunie. La maison de Tripoli est en pleine prospérité à tous points de vue.

Quant au dispensaire il va voir le nombre des patients augmenter considérablement. Si en hiver on ne soigne qu'une centaine de malades par jour, dès le printemps ils sont en progression, et en été il y en a plus de 500 durant la journée.

1951-1960. VISITATRICE DE LA PROVINCE:

Juillet 1951. A Beyrouth ma Sœur Buisson, très fatiguée depuis plusieurs mois, s'alite pour ne plus se relever. Le 4 juillet, alors que la retraite annuelle vient de commencer à la maison Provinciale elle rend le dernier soupir.
Peu de temps après une lettre de Paris annonce à Sœur Anne-Marie Lavallée que le Conseil général l'a nommée Visitatrice de la Province

Stupéfaite à la lecture de cette lettre, elle prend la plume et écrit à la T.H.Mère qu'il a dû y avoir une erreur, car il lui est impossible de remplir cette charge. Peu de temps après une deuxième lettre de Paris confirme la première et l'engage à faire confiance au Seigneur. Il n'y a qu'à s'incliner…

A Tripoli c'est la consternation. Mais puisque Dieu a parlé, Sœur Lavallée quitte la Miséricorde, le cœur gros, acceptant cependant le lourd fardeau qui lui est imposé par la décision prise en haut lieu.

C'est l'époque de la construction de la Maison Centrale à Achrafié. A Mar-Métri les bâtiments des Sœurs sont en chantier. Ils ne seront habitables que dans un an. Il faudra de temps à autre aller sur place se rendre Compte de leurs développements, et essayer de discuter peut-être de l'opportunité de telle ou telle modification, mais Sœur Lavallée prend contact avec toutes les maisons de la Province. L'époque est troublée dans plusieurs pays: que ce soit en Terre-Sainte, que ce soit en Egypte§ Il faut se rendre partout pour se faire une idée exacte de la situation de chacune des œuvres.

Février 1952. N. T. H. Mère BIanchot annonce sa visite. Elle arrivera par avion. Mais le temps est très mauvais et il y aura des retards ... Or exactement à la même époque, une lettre de Ghislain de Lavallée, frère de la Visitatrice, qu'elle n'a pas vu depuis longtemps lui écrit que ses voyages vont lui permettre de la rencontrer à une escale de son avion a Beyrouth. Le même jour où l'on attendait notre Mère Blanchot. Ma Sr Visitatrice se rend à l'aérodrome pour s'entretenir avec son frère. C'est une grande joie pour e11e de pouvoir lui parler. Le temps s'est amélioré, et le voyageur l'assure que l'avion venant de France va pouvoir arriver cette fois à l'heure dite. Tous deux jouissent intensément de cet entretien', malgré sa brièveté!
Notre Mère arrivera enfin à minuit moins le quart à l'aérodrome de Khaldé…

Soeur Lavallée lui présentera les jours suivants, les maisons du Liban et de Syrie, sans oublier le chantier de Mar-Métti. De là elle l'accompagnera en Terre-Sainte. Mais la voyageuse est très fatiguée, et à son grand regret ne pourra aller en Egypte. Elle a eu cependant une vue d'une grande partie de la Province et s'en ira très satisfaite.

Le 24 avril suivant a lieu la pose de la première pierre de la chapelle de la Médaille Miraculeuse qui va s'élever entre les deux résidences, celle des Pères et celle des Sœurs. Monsieur le Visiteur le père RivaIs a invité à la cérémonie le Nonce Apostolique: Mgr Beltrani .Ce sera une très belle cérémonie que les Journaux de Beyrouth relateront avec bienveillance: "De nombreuses personnalités Libanaises et Françaises assistaient à la cérémonie". Le Révérend Père RivaIs Visiteur des Pères Lazaristes et la Révérende Mère Visitatrice des Sœurs d e Charité, accueillaient leurs invités avec beaucoup d'amabilité." (Journal du jour).

A la fin des classes le bâtiment des Sœurs étant terminé à Mar-Métri, on déménage peu à peu. Le 9 Août a lieu la bénédiction de la nouvelle Maison Centrale, et le 13 le transfert général des Sœurs.

Le Très Honoré père Mr William Slattery vient à son tour faire connaissance avec les œuvres des Pères Lazaistes et des Filles de la Charité au Proche-Orient. Du 4 novembre 1952 au 20 décembre ma Sœur Visitatrice lui présente les diverses maisons du Liban et de la Syrie. Il est tout heureux d'en constater la vitalité, et, au séminaire 9 petits bonnets l'assurent de leurs vœux et de leurs prières.

Après une tournée identique en Terre-Sainte, le père revient le 27 novembre afin d'assister à la cérémonie de la bénédiction de la grande chapelle par Mgr d'Escoula. Grande et belle fête que les Annales des Pères Lazaristes présentent longuement. Sœur Lavallée est heureuse de voir le nombre des filles de la Charité venues de toutes les parties du pays et même d'Egypte et de Terre-Sainte avec des Enfants de Marie assister à cette belle fête en l'honneur de Marie-Immaculée.

Dans l'après-midi du 29 le Président de la République et Madame Chamoun, viennent, en amis, saluer Sœur Lavallée, qui leur fera les honneurs de la maison. Visite d'amitié cordiale, sans cérémonie, mais qui prouve l'intérêt du Président pour le travail des Filles de la Charité au Liban.

Et la vie continue, faite de joies et de soucis. Sœur Lavallée accepte les unes et les autres avec la même sérénité et la même confiance en Dieu.

L'Egypte est en pleine fermentation. Elle réclame l'évacuation des troupes britanniques, et des coups de main se multiplient. A Ismaïlia une de nos Sœurs américaine est tuée. Sœur Visitatrice ressent douloureusement cette perte.

Les combats cessent sur le canal, mais quelques jours après un quartier commerçant du Caire est en feu, le plus grand hôtel est complètement ruiné ainsi que de nombreux grands magasins. Heureusement les maisons de nos Sœurs sont loin du centre, et ne subissent aucun dommage... .

Enfin le 26 juillet Gamal-Abdel-Nasser nationalise le Canal de Suez, ce qui entraîne des réactions européennes violentes. Que vont devenir les écoles et les hôpitaux du Canal?

Soeur LaVallée, dès qu'elle le peut va étudier sur place les possibilités. Les hôpitaux n'ont rien à craindre pour le moment. Celui de Port-Saïd a souffert de l'attaque aérienne des Français et des Anglais. Il appartient au gouvernement égyptien, c'est donc ce dernier qui s'occupera des réparations à faire. L'hôpital d'Ismaïlia continuera son travail avec la nouvelle organisation du Canal. De même l'école, modifiera ses programmes en s'ouvrant davantage à la langue arabe, et continuera à fonctionner. Reste l'école de Port-Tewfik. Celle-ci voit partir tous ses élèves européens ; elles seront remplacées par de jeunes égyptiennes, que n'intéressent pas beaucoup les programmes français. Pourquoi d'ailleurs se cramponner à des œuvres que d'autres peuvent assurer avec plus de facilités. Les Sœurs Coptes seraient heureuses d'accepter la direction de l'école Ma Sœur Visitatrice va s'entendre avec la R. Mère Kouzam, qui prend immédiatement la succession…

De même seront réglées les questions d'écoles en Haute-Egypte. A Sedfa Sœur Marsaud a fait construire la petite école. En 1952, après une visite dans le village, Sr Lavallée admire le travail si bien dirigé. Les constructions sont presque terminées. Elle revient enchantée, et, comme le mobilier scolaire n'est pas encore acheté, faute de ressources, elle demandera à son retour de Sedfa, aux Sœurs servantes qui le peuvent, de contribuer selon leurs possibilités, à l'achat des tables de classe et des tableaux noirs.

On parle d'une deuxième maison en Haute-Egypte, à Koussieh. Elle s'en occupe, et en 1955 cette 2° maison est ouverte, à sa grande satisfaction.

Tous ces soucis ont pour contre partie la joie qu'elle éprouve lorsqu'elle vient en Egypte, en allant rendre visite à Alexandrie à une de ses cousines Franciscaine de Marie: Mère Marie-Hermine, fille de son oncle Joseph de Lavallée. Toutes deux jouissent intensément de ces rencontres. Plus tard Mère Marie-Hermine partira: pour Alep presqu'en même temps que sr Lavallée pour Damas. Mais le Seigneur rappelle a lui, brusquement la jeune religieuse: un accident d'auto sera la cause de sa mort, à la désolation de sa cousine.

1967. L'IRAN

En 1957 l'Iran est rattaché à la Province de Beyrouth. Sœur Visitatrice va s'y rendre en mai 1957 pour faire la connaissance des Sœurs et des œuvres. A cette époque il n'est plus question, heureusement de voyages par voie de terre. En 15 jours elle fait le tour des maisons, très éloignées les unes des autres. Les Sœurs sont ravies de penser qu'elles verront se renouveler les visites qui étaient si rares autrefois.

1960-1972. DAMAS:

La tâche se fait lourde pour ma Sœur Lavallée. En 1960 elle va céder sa place et son office de Visitatrice à une Sœur plus jeune: à ma Sœur Dupont-Ferrier, directrice du Séminaire. Elle va s'éloigner.
Or à cette époque la Miséricorde de Damas est en pleine activité, mais l'avenir est sombre pour les écoles religieuses. Il faut une Sr Servante qui puisse faire face avec doigté aux épreuves sans nombre que I'on prévoit à l'horizon. Elle est au courant, car elle a suivi de près l'évolution des évènements. Elle part à Damas, faisant, encore une fois, confiance au Seigneur. Une lettre qu'elle envoie aux Supérieurs à Paris en 1965 nous donne un aperçu des activités de la maison, ainsi que des difficultés de l'heure.

" ... Nous avons ici les mêmes lois qu'en Egypte. Nous pouvons assurer l'instruction religieuse à de nombreuses petites âmes. Cette année nous avons 987 élèves à l'école gratuite et 915 à l'école payante. Toutes les familles aisées ont quitté le vieux quartier de Bab Tourna, et leurs enfants vont à l'école ailleurs. Mais je remercie le Bon Dieu d'être parmi les pauvres, car c'est notre vrai partage à nous, Filles de la Charité.

Les enfants que nous avons gratuitement ont de 4 à 13 ans. Quand elles quittent l'école, après leur diplôme syrien, nous avons organisé un ouvroir pour leur apprendre la couture et la coupe.

Nous rencontrons bien des difficultés pour les écoles ; mais grâce à Dieu nous continuons à tenir et à instruire les enfants de leur religion. Nous avons eu 127 premières communions et 10 dans le petit village d'Aresta, où nous allions faire le catéchisme. II. y a beaucoup à réaliser en Syrie. Mais, hélas! les ouvriers et les ouvrières sont peu nombreux.

Cette lettre est datée de Novembre 1965. Les difficultés dont parle ma Sr Lavallée font pressentir le raz de marée qui ne va pas tarder à fondre sur les œuvres.

1967 Etatisation des écoles religieuses. Le 17 octobre ordre est donné de les fermer. Le 19 le gouvernement envoie ses agents les occuper. Il n'y a qu'à s'incliner. Les Sœurs se retirent dans la partie: Maison des Sœurs et livrent les clefs de leur école où elles n'ont plus rien à faire.
Le coup est dur à accepter, mais Sr Lavallée, avec son courage ordinaire fait face à la situation. Elle organise les cours de catéchisme en dehors des heures scolaires, engage ses Sœurs à mettre tout leur cœur aux réunions d'Enfants de Marie et de guides…
Elle assiste à toutes les réunions de religieux et religieuses autour de la hiérarchie. Son expérience, sa clarté de vue, sa compétence lui donnent une place de choix dans ces réunions. On lui demande toujours son avis, et l'on suit souvent ses conseils.

1969 est l'année de sa cinquantaine de vocation. Depuis qu'elle est à Damas elle n'est plus retournée en France. Les Supérieurs l'engagent à y aller. Sa Sœur Gaëtane est à Vienne. Elle ne l'a pas revue depuis fort longtemps. Elle se décide à partir pour Paris en faisant escale à Vienne, et elle prépare son voyage. Et voilà qu'un jour peu de temps avant la date du départ, elle reçoit, sans ménagement, un avis du Consulat de France à Vienne lui annonçant la mort subite de sa Sœur Gaëtane. Pour elle c'est un grand coup! Elle se faisait une joie de cette rencontre, et brutalement cette nouvelle la terrasse.

Quelques jours après le Nonce Monseigneur Glorieux vient la voir. Tous deux ont une longue conversation. Mgr se lève pour prendre congé, et Sœur Lavallée veut aussi se lever, mais la jambe gauche seule fonctionne la droite est inerte. Monseigneur Glorieux va aider Sœur Lavallée à remonter l'escalier péniblement. Les Sœurs alertées arrivent. Hélas! Il faut se rendre a l'évidence, c'est une attaque. Immédiatement ma Sœur Leroy la reçoit à l'hôpital. On la soigne énergiquement mais la paralysie ne disparaîtra pas.

Avec son courage habituel elle va conserver toute l'activité que peut lui laisser un pareil handicap. Evidemment il n'est plus question de voyage, et en juillet on fêtera sa cinquantaine à Damas. Elle arrive à marcher dans la maison avec une canne. Toujours sur la brèche elle continue à diriger ses Sœurs.

1972. Le fardeau est quand même bien lourd. Les Supérieurs estiment qu'elle doit se reposer. Elle va rester dans la maison et pourra aider de ses conseils la nouvelle Sœur Servante: ma Sœur Robin.
Sœur Lavallée aimait beaucoup Damas. Aussi désirait-elle vieillir là, et y finir ses jours. Mais un évènement inattendu va encore survenir et brouiller tout projet.

1973 INCENDIE DE LA MAI SON:

La maison de Bab-Tourna est une vieille bâtisse construite moitié pierre, moitié bois, comme toutes celles de ce quartier de l'ancien temps. Lorsqu'un incendie se déclare c'est une catastrophe difficile à stopper! "Charité-Orient a donné le récit de ce désastre. En voici des passages:
Dans la soirée du 3 février, à 23 h30, une des Sœurs de la maison rentrait d'une excursion faite avec des jeunes, et ne remarquait rien d'anormal. Mais une heure après les Sœurs étaient réveillées par des cris: "Au feu! Au feu!".

La Sœur qui couchait au second étage venait de s'éveiller avec une impression d'angoisse. La lumière allumée, elle s'aperçoit que la chambre est remplie de fumée; se penchant à la fenêtre elle voit des flammes sortir du grenier. Des jeunes gens, qui avaient aperçu l'incendie font irruption dans la maison et aident les Sœurs, et les enfants (peu nombreuses heureusement) et les employées à descendre et à gagner la rue. Ma Sœur Lavallée qui couchait à l'infirmerie est empoignée et une voiture la conduit immédiatement à l'hôpital st Louis.

Soeur Robin reste sur place, bien qu'à peine habillée, pour s'assurer que tout le monde est sain et sauf et attend l'arrivée des secours.

Bientôt les sirènes des pompiers hurlent dans la nuit. Bab-Tourna et ses vieilles maisons risquent de flamber dans un immense incendie. 7 voitures de pompiers, la police, un détachement de militaires organisent les secours. Une bouche d'eau à proximité permet de mettre toutes les lances en batterie, tandis Que les rescapées sont accueillies, réchauffées chez les Sœurs de Besançon.

Les pompiers continueront à travailler pendant 4 heures pour maîtriser le feu: une lance arrosera les décombres jusqu'à la fin de l'après-midi. Car il faut parler de décombres. Toute l'aile nord de la maison a brulé; la Chapelle est à ciel ouvert, le toit s'est effondré, le sol n'est plus qu'un amas de bois noirci, de débris. Mais au fond de la chapelle (dont tous les bancs ont brulé) se dresse l'autel intact, avec la Sainte Réserve, et la Vierge est toujours debout sur son socle dans le chœur. La feu s'est arrêté là."

Sœur Lavallée a reçu un nouveau choc. A l'hôpital, on la soigne avec dévouement, mai s il est impensable qu'elle reste à Damas au milieu des décombres, puis des réparations indispensables. Ma Sœur Bruno va venir la chercher pour qu'elle puisse finir ses jours tranquillement à l'infirmerie de la Maison Provinciale. Une chambre est prête pour la recevoir.
Durant six années elle aura la consolation de pouvoir assister aux offices à la chapelle, suivre le train de la maison, car elle se force à marcher un peu, grâce à sa canne et aux bras complaisants qui s'offrent à la soutenir. Et c'est à qui passera chez elle, non seulement pour rappeler les vieux souvenirs mais encore pour faire une confidence, ou demander un conseil.

1975 - LA GUERRE AU LIBAN

La vie cependant va devenir de plus en plus difficile. En 1975 la guerre civile éclate 2.U Liban, et les bombardements sur Beyrouth commencent. Lorsqu'ils deviendront très violents à Achrafié, et que les Sœurs Aînées seront transportées à Bhanès, elle demandera à rester à Beyrouth l'altitude ne lui convenant pas. Et là encore, en 1978 durant les mois d'automne où les roquettes et les bombes de gros calibres tomberont drues sur le quartier, sur la Maison Provinciale et tout autour, elle restera avec les Sœurs et la centaine de voisins réfugiés à l'abri, au sous-sol assise dans un coin, et récitant son chapelet, ou encourageant voisins et voisines. Ceux-ci garderont longtemps le souvenir de cette Sœur infirme qui n'avait sur les lèvres que la prière où des mots d'encouragement! Les enfants surtout aimaient venir près d'elle lui embrasser les mains.

Enfin décembre 1978 le calme revient peu à peu dans le quartier. Sœur Lavallée est de nouveau dans sa chambre. Elle lit, écrit, tricote, assise devant sa table. Mais sa marche devient de plus en plus difficile. Sa tête se penche à droite et elle a de fortes douleurs au cou. Elle le dit mais sans se plaindre. Elle continue à répondre à toutes les lettres qu'elle reçoit, et elle continuera ainsi jusqu'à l'extrême limite de ses forces.

Elle garde toute sa vivacité d'esprit, se tient au courant de tout ce qui se passe autour d'elle, dans la Communauté et dans le monde. Ainsi, pendant un an et demi, déclinant lentement, ses forces la trahissent parfois, mais son énergie ne cède pas.
Dans les derniers jours de juin 1980, elle fait une chute, et se blesse à la tête. Il est nécessaire de la transporter à l'hôpital du Sacré-Cœur à Hazmieh, où le docteur pourra lui donner les premiers soins ... Il diagnostique une hémorragie cérébrale. Il n'y a plus guère d'espoir.
Le 30 juin, ma Sœur Bruno, appelée d'urgence, trouve la malade encore très lucide; mais le soir elle est dans le coma, et à 20 h30 elle rend le dernier soupir. ~
Dès le lendemain matin les Sœurs de toutes les maisons sont alertées; elles viennent à la Maison Provinciale prier à côté d'elle. C'est une grande peine pour toutes. On était si habitué à venir à l'infirmerie, dans sa chambre, lui raconter joies et peines, et recevoir le bon conseil qui vous remet d'aplomb! C'est fini pour nous! Mais pour elle c'est le commencement du vrai bonheur sans limites auprès du Divin Maître, qu'elle a si bien servi toute sa vie!
Le long de la journée les prières se succèdent jusqu'à la Messe d'enterrement, qui a lieu dans la Chapelle de la Médaille Miraculeuse. Une longue file de Filles de la Charité et d'amis venus nombreux l'accompagner une dernière fois, assistent à l'office funèbre, célébré par les Pères Lazaristes.
Sœur Lavallée nous a quittées, mais elle a laissé à la Province le souvenir d'une âme toute donnée à Dieu et au service des pauvres.


Histoires de charisme



Les Filles De La Charité - Proche Orient © | Mentions légales | liens utiles