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Obsèques soeur Sophie Khosrovian6 août 2020
Le 6 août 2020
Mt 17, 1-9.
La mort du Christ reste pour nous un scandale. Les athées et les opposants à notre foi nous reprochent d’adorer un Dieu mort. Aussi sommes-nous parfois tentés de passer sous silence cette triste fin et d’imaginer que la résurrection l’a annulée. Etre dans cette attitude c’est épouser celle de Satan. La vie, si l’on veut suivre le message du Christ, n’est pas au bout de la puissance, mais au bout de l’abandon en Dieu. Ce qui est vrai pour Jésus l’est aussi pour tout croyant. Finis les rêves de puissance et les fantasmes du pouvoir. Pour plaire à Dieu, pas besoin d’être importants aux yeux du monde, bien au contraire ! Saint Paul ne dit-il pas dans (1cor) que « la faiblesse de Dieu est plus forte que les hommes » ?
A travers la mort retentit la promesse de Jésus, une promesse de gloire et de victoire : « Amen, je vous dis que quelques-uns de ceux qui se tiennent ici ne goûteront pas la mort, qu’ils n’aient vu le Fils de l’homme venir dans son règne. » Et voici que cela semble se passer, avec Pierre, Jacques et Jean. Que s’est-il donc passé, là-haut, sur cette montagne ? N’est-ce pas que c’est sur une montagne que le Christ avait été tenté par le diable qui lui offrait tout le pouvoir sur les humains ? Sauf que cette fois-ci, la tentation touche les disciples. Pourquoi retrouver la réalité humaine quand on est si bien sur cette montagne, baignée de lumière et de gloire ? Non, la gloire auprès du Seigneur se mérite par l’amour du prochain et le service de l’autre, par l’abandon en Lui.
C’est dans cet esprit d’abandon en Dieu que nous nous retrouvons aujourd’hui autour de Sœur Sophie pour lui faire nos adieux.
Sœur Sophie Khosrovian est née à Ispahan, dans une famille Arménienne, le 12 novembre 1943. Elle est la plus jeune des trois filles de la famille. Le père décède alors que ces trois filles sont encore très jeunes. Les deux aînées se marieront et fonderont leurs propres foyers alors que la benjamine décide d’embrasser la vie religieuse. C’est à Tripoli, dans le Nord du Liban, qu’elle vivra son aspirat qui dura trois ans. Elle apprendra le français et l’arabe, alors qu’elle parlait déjà le persan. Elle suivra aussi des cours de formation religieuse et de couture. Sœur Lucienne Bruno, alors Sœur Servante, la présentera à la communauté en 1964. Elle suivra son postulat à l’Immaculée Conception puis à la Maison provinciale. Elle aidera à l’Ecole Maternelle, dans les deux écoles.
A la fin de son Séminaire Interne, elle rejoindra la communauté de l’école de Tabriz et en 1966 elle est à Rézaiëh, actuellement Ourmiah. En 1967 elle reviendra au Liban et fera partie de la communauté de Saint Charles pour suivre son juniorat et des études de puériculture. Elle retrouvera son Ispahan natale où nous la retrouverons en 1972 responsable de l’Ecole Maternelle. La prise en main par le régime des Ayatollahs sera pour elle une déception et une souffrance qu’elle vivra comme une agression. L’expulsion et le déplacement de certaines Sœurs réduiront la communauté à sa forme la plus simple. Elle poursuivra cependant sa mission auprès des personnes âgées et des jeunes filles chrétiennes qui continuaient à fréquenter les locaux de la communauté, l’école ayant été nationalisée et islamisée. Elle est rappelée à la Maison provinciale en 1987. En 1988 elle repartira pour Ispahan s’occuper des personnes âgées. Elle sera seule et devra faire face aux contrôles fréquents et inquisiteurs de la guidance islamique. Elle sera cependant une présence d’Eglise dans un milieu vidé de la majeure partie de ses chrétiens. Les jeunes partaient et partent sous des cieux plus cléments et ne restent sur place que les personnes âgées ou ceux qui n’ont aucun moyen d’émigrer.
Elle quittera Ispahan enfin et rejoindra la communauté de Zgharta en 1997 dont elle prendra en charge l’Ecole Maternelle. En 2009 elle sera placée à l’Immaculée Conception dont elle dirigera la Garderie et où elle recevra la couronne du martyre le 4 août courant.
Sœur Sophie est partie et notre cœur est une plaie ouverte et qui saigne et saigne. La Sœur Visitatrice me disait encore hier que « les dégâts matériels colossaux subis ne représentent rien devant la perte d’une Sœur, devant la perte d’un ange ». Sœur Sophie était connue justement pour sa discrétion et sa gentillesse. De Téhéran, Sœur Nora m’envoyait ce matin ce message qui dit la place qu’occupait Sœur Sophie dans les cœurs et qu’il me plaît de citer : « Nous, les Sœurs d’Iran, sommes unies à vous tous qui célébrez le départ de notre chère Sœur Sophie. Dites à Sœur Sophie que nous la remercions pour le témoignage d’amour et de bonté dont elle a fait montre dans son pays, l’Iran, et au sein de l’Eglise iranienne. Toutes les anciennes élèves de Rodabé, l’ancienne école des Filles de la Charité d’Ispahan, disent qu’elle avait été pour elles une mère et une éducatrice par excellence. Que le Seigneur l’accueille dans son Royaume ».
Sœur Sophie,
Ce témoignage de vos compagnes et de vos anciennes élèves est un cri du cœur, le témoignage d’une reconnaissance et l’expression d’un remerciement. Vous n’attendiez aucune récompense à part celle de mériter de l’éternité du Royaume, mais c’est une consolation pour toutes les personnes qui pleurent aujourd’hui votre départ.
Vous étiez fidèle à votre office et vous rêviez raisonnablement de revoir encore une fois votre famille installée en Amérique. Ce projet devait se réaliser mais ne le sera plus. N’est-il pas dit que si l’homme propose c’est en fait Dieu qui dispose ?
Sœur Sophie,
Votre départ nous chagrine tous, et son tragique nous afflige encore plus. Exiger réparation ? Demander des comptes ? Nos saints fondateurs ne l’auraient jamais, à l’instar du Christ, envisagé. Vos prières, de là où vous êtes, seront notre consolation. Le Seigneur est le seul vrai juge. Soyons à son écoute. Soyons à son école. Soyez auprès du Seigneur, ma Sœur, la voix qui portera les difficultés que rencontrent les missions des Filles de la Charité en Iran.
Antoine-Pierre NAKAD cm
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